1934 |
Lettre dictée à Jean Van Heijenoort et
signée "un groupe de lecteurs". Révolution
avait été prévu par la direction de l'entente des J.S. de la
Seine dès avant l'entrée des jeunes léninistes dans ses
rangs. Le rédacteur en chef était David Rousset. Le premier
numéro venait de paraître, daté de décembre 1934, et avait été
vendu à 12 000 exemplaires.
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Œuvres - décembre 1934
Léon Trotsky
Quelques remarques sur Révolution
Bulletin intérieur du GBL (jeunes) n°2, 20 décembre
1934.
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Présentation
La publication de Révolution par une Entente où
les éléments révolutionnaires avaient beaucoup d'influence
inquiétait la direction de la S.F.I.O. et les dirigeants
nationaux des J.S. qui publiaient déjà un organe
propre, Le Cri des jeunes.
Une procédure engagée dès la parution du premier numéro
aboutit à la décision du comité national mixte d'interdire sa
parution, avec menace d'exclure les collaborateurs du journal
s'ils persistaient dans sa publication.
Après une chaude discussion, les dirigeants de l'Entente
s'inclinèrent formellement, mais Révolution parut de
nouveau, sous la responsabilité personnelle de trois de ses
militants responsables, en tant qu'organe extérieur à la
S.F.I.O. - son titre était suivi de la mention "organe de
lutte et de combat de la jeunesse ouvrière" -, et fut
diffusée à travers Paris et la province avec un réel succès.
- Révolution doit être un journal ouvrier ou ne pas être du
tout. Un journal ouvrier n'est pas un journal écrit
pour les ouvriers. Ce n'est pas non plus un journal
écrit par les ouvriers. Mais il doit refléter la vie
ouvrière et répondre à temps aux questions que les événements -
petits et grands - provoquent chez les ouvriers.
- Il faut écrire clairement, et, pour cela, il faut bien
connaître la question que l'on traite et le but que l'on
poursuit par l'exposé. Il ne faut jamais écrire pour écrire,
pour faire un "leader" ou une rubrique quelconque.
- Avant d'écrire un article sur une question précise, il
faut parler sur ce même thème avec de jeunes ouvriers, écouter
attentivement leurs questions, suggestions, objections, etc.
Après avoir écrit l'article, il faut le soumettre à la
critique des jeunes ouvriers.
- Ne pas imiter la grande presse, ni par la disposition des
articles, ni par le ton d'exposition. Quand une question
importante pour la classe ouvrière, et surtout pour la jeunesse,
surgit, on peut et on doit balayer les rubriques et consacrer le
numéro tout entier à la même question (par exemple le chômage des
jeunes, une grève importante avec la participation des jeunes,
etc.) éclairée de différents côtés: exposition exacte des faits,
reportage pris sur le vif, article théorique sur le même thème,
des épisodes analogues de la vie internationale, etc. Un numéro
pareil est comme un obus qui se fraye son chemin.
- Il ne faut jamais prendre le ton d'un instituteur qui
apprend à de petits enfants. Il faut toujours parler à des égaux,
mais parler honnêtement, après étude et réparation, sans couvrir
des lacunes par des phrases creuses.
- Il ne faut jamais donner à l'article le caractère de
commentaire sur des événements supposés connus. Chaque article
doit avoir son armature ferme, composée de faits et de dates
précises. Les commentaires doivent être sobres, découlant de
l'exposé des faits eux-mêmes. C'est la seule voie pour
éviter le didactisme stérile et humiliant.
- Ne pas avoir peu de répéter les choses les plus élémentaires
en les rafraîchissant toujours par des faits nouveaux.
- Suivre attentivement toute la presse française bourgeoise et
ouvrière, politique et syndicale, parisienne et locale; découper
tous les faits, même insignifiants, qui se rattachent à la vie de
la jeunesse ouvrière; placer les coupures dans des dossiers;
consulter les dossiers chaque fois qu'il s'agit de faire
un article sur telle ou telle question.
- Créer immédiatement une carte de reporter révolutionnaire.
Indiquer à chacun un quartier de la ville ou une fonction
spéciale ( la justice bourgeoise pour les ouvriers, le chômage,
la soupe populaire, les ouvriers étrangers, la caserne, etc.).
Les reporters doivent être aussi des agitateurs et des
recruteurs. Ils doivent être en liaison constante avec le milieu
auquel ils sont attachés.
- Une, deux ou quatre fois par mois, selon le rythme de la
parution, réunir tous les collaborateurs, reporters et quelques
jeunes ouvriers pour rassembler des suggestions et discuter des
articles en préparation.
- Dans les faits divers de la presse on trouve un tas de faits
d'une grande signification pour la compréhension de la vie
sociale en général et des jeunes ouvriers en particulier. Chaque
jour apporte des nouvelles sur des suicides des jeunes
désespérés, etc. On peut souvent remplir toute une page de
ces faits divers bien assortis, avec des commentaires brefs et
vigoureux.
- Les articles signés ne sont pas bien indiqués pour la presse
ouvrière en général, et celle des jeunes en particulier. Il faut
habituer le lecteur à voir dans le journal une personnalité
collective, c'est à dire l'organisation.
- La question de la société socialiste, comme contraste à la
société capitaliste, doit être éclairée par tel ou tel trait dans
chaque numéro et à chaque occasion qui se présente. Il faut
trouver chez les grands socialistes, à commencer par les
utopistes, des formules pénétrantes de quelques lignes pour les
reproduire à chaque page, à raison de deux ou trois.
- Ce qui est absolument intolérable, ce sont des allusions
compréhensibles seulement pour les jeunes
"bureaucrates", des expressions argotiques de
boutique, des abréviations absolument incompréhensible pour
le jeune ouvrier moyen.
- Le journal ne peut devenir un journal ouvrier qu'à la
condition que toutes les forces de l'organisation soient
dirigées vers les quartiers ouvriers, vers les quartiers
industriels, etc. Le journal qui ne recrute pas des ouvriers pour
l'organisation n'est pas digne d'exister.
- Enfin, notre époque doit être bien reflétée dans le journal.
Le trait essentiel de notre époque, c'est qu'elle soulève
les questions les plus profondes de la vie sociale et exige les
réponses les plus radicales. Nous vivons dans une époque
pré-révolutionnaire qui n'a besoin que d'un parti
vraiment combatif pour se transformer en une époque
révolutionnaire. Le journal doit être combatif, courageux, et
viser loin.
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